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La République de Guinée, malgré son importante richesse en ressources naturelles et en dépit des avancées considérables au cours des dernières années notamment dans ses programmes sectoriels de développement, est parmi les dix pays les moins avancés selon l’indice de développement humain 2011. Dans le pays, la Haute-Guinée est la région la plus touchée par la pauvreté. Souffrant d’une surcharge de travail et sujettes à des abus domestiques, les femmes constituent le groupe le plus vulnérable. Ayant un accès extrêmement limité aux services de base, dont l’éducation, et aux services d’énergie, elles restent enfermées dans un cercle vicieux genre-pauvreté.
Le UN Capital Development Fund (UNCDF) en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a lancé le Programme de Développement Local en République de Guinée (PDLG) en 2003, suivi du PDLG II en 2008, qui vise à atteindre un développement durable et équitable en améliorant les moyens de subsistance locaux. À cette fin, des plateformes multifonctionnelles (PTFM) ont été installées. Comme Alpha Boubacar Diallo, coordinateur national du PDLG explique, il s’agit de «mini-entreprises énergétiques qui offrent à travers des services comme la soudure, le décorticage, le moulinage ou les charges batteries, des revenus significatifs aux bénéficiaires dans le milieu rural». Les femmes, notamment, en profitent : comme la plateforme appartient aux femmes et que ce sont elles qui l’opèrent, elles ne sont pas seulement capables de réduire leurs corvées quotidiennes en mécanisant la préparation des grains, mais elles sont aussi formées en gestion technique, financière et sociale de la plateforme. Les PTFM leur font gagner deux à six heures de temps sur leurs tâches domestiques par jour – temps qu’elles peuvent dorénavant consacrer à des activités productives et rémunératrices. En plus, elles gagnent un revenu en chargeant des frais d’utilisation de la PTFM aux autres membres de la communauté pour leurs services énergétiques.
La mécanisation des tâches traditionnelles aide également les agriculteurs à augmenter leur production, tout en améliorant la qualité de leurs produits. Ainsi le revenu des femmes s’est à la fois accru et diversifié. D’autres avantages ont été observés pour les femmes, notamment en termes de scolarisation des filles et d’émancipation.
À Balato, sous-préfecture située à 40 km du chef-lieu de la préfecture de Kouroussa, Nansira Odia Keita nous confie, « Avant, les femmes étaient des sujets exploités par leurs époux. Mais depuis l’installation de la plateforme, les relations mari-femme se sont améliorées. Avant, la femme n’avait même pas le droit à la parole. Mais aujourd’hui tout ceci est devenu de vieux souvenirs ». Mme Odia en sait quelque chose. Née en 1955, elle a fréquenté l’école primaire de Balato pendant trois ans seulement ; elle s’est ensuite adonnée aux tâches ménagères. Elle s’est mariée, a eu cinq enfants et jusqu’à l’arrivée du PDLG, ses charges se limitaient à l’entretien du foyer, aux travaux champêtres et au petit commerce. Depuis, ses fonctions et responsabilités se sont progressivement multipliées. Aujourd’hui, elle est Présidente du Comité Féminin de Gestion de la PTFM de la Collectivité Locale de Balato. Ainsi elle a occupé successivement les fonctions de Présidente du Comité de Développement Communautaire en 2001, Présidente de la Société Civile en 2005, et a assuré l’intérim du poste de Présidente de la Communauté Rurale pendant six mois en 2009. Mme Odia affirme que c’est grâce au PDLG qu’elle a appris à s’organiser et qu’elle s’est intéressée aux affaires organisationnelles et institutionnelles de la communauté rurale.
Au fil des années, elle a participé à de nombreuses formations et ateliers organisés par le PDLG, dont un sur « les causes de la crise en Afrique et leur solution » au Maroc en 2009. Elle félicite les accomplissements du PDLG en constatant que les « modules de formations et sensibilisation du PDLG ont permis aux femmes de connaitre leurs droits et devoirs ; elles ont su que leur vie ne se résume pas à une vie de foyer, mais que leur participation active dans le processus de développement économique local leur permet d’augmenter leurs revenus. Sur mon niveau, j’ai su gérer mon foyer et j’ai acquis une ouverture vers le monde extérieur qui m’a permis de sensibiliser les populations sur la gestion des problèmes sociaux ».
Grâce à la gestion autonome de la PTFM, Mme Keita et son groupement sont financièrement indépendants. Pourtant, en considérant tous leurs acquis, les femmes sont loin de se reposer sur leurs lauriers. D’ores et déjà elles sont en train de discuter des plans d’extension de la PTFM, d’électrification du village, de la construction de magasins de stockage des matières premières pour la transformation et de la construction d’un bureau pour le Comité Féminin de Gestion. Les idées s’amassent et avec l’énergie créative, l’enthousiasme et la confiance des femmes dans leurs capacités, on peut s’attendre à de nombreux exploits dans l’avenir proche.