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Toucountouna est une commune nichée au nord du Bénin. Elle est si éloignée des côtes qu’il faut presque un jour entier de voiture pour y parvenir, en passant par des chemins cahoteux et truffés de nids-de-poule. Le fait est que plus on monte vers le nord et moins on trouve de routes goudronnées. Cela pose un problème majeur lors de la saison des pluies, propice à de nombreuses inondations.
Toucountouna se situe à la frontière avec le Togo, non loin du Burkina Faso. La commune s’étend sur 1 600 km² et comptait 30 154 habitants en 2002. Bien que le pays soit majoritairement constitué de plaines, Toucountouna se trouve dans la région la plus montagneuse du Bénin : le département de l’Atacora. Cela favorise la diversification des cultures, mais rend le transport difficile et coûteux.
Cette zone éloignée du Bénin se caractérise en outre par une longue saison des pluies et peu d’infrastructures locales à même d’assurer les transports de manière fiable. C’est pourquoi la commune a décidé de finaliser la réhabilitation d’un pont stratégique pour Toucountouna, avec le soutien du Mécanisme de financement de l’adaptation au niveau local (LoCAL) de l’United Nations Capital Development Fund (UNCDF). Cette remise en état concerne un ouvrage de franchissement sur l’axe Kouarfa-Tampobré, qui, selon les autorités officielles, relie quatre communes agricoles.
Comme l’explique M. Blaise Dekakoua, adjoint au maire de Toucountouna : « Pendant la saison des pluies, la population locale doit faire de longs détours pour pouvoir atteindre l’autre côté sans avoir à franchir le déversement des eaux. Les camions doivent être déchargés puis rechargés une fois qu’ils ont pu traverser, et les marchandises sont parfois transportées à dos d’homme dans de forts courants. Cette zone constitue néanmoins l’un des principaux points de jonction. »
Il va sans dire que le pont est non seulement indispensable aux échanges commerciaux, mais aussi au bien-être de la population locale. Ce point de jonction forme en effet un axe direct menant d’un côté vers l’hôpital, et de l’autre vers une école.
L’hôpital de Kouarfa se trouve à proximité du pont. C’est le principal centre de santé local. De nombreux habitants s’y rendent pour accoucher, recevoir un traitement contre le paludisme, soigner des blessures ou se faire vacciner.
La réhabilitation du pont a permis de réduire considérablement la distance et la durée du trajet vers l’hôpital. Mme Teto Bagami, une habitante ayant récemment donné naissance à des jumeaux, a pu en faire l’expérience par elle-même.
« Il y a quatre jours, j’ai commencé à souffrir de maux de tête et de vomissements. J’ai demandé à mon frère, qui a une moto, de m’emmener à l’hôpital pour pouvoir obtenir des médicaments. Sans le pont, le trajet aurait pris quelques heures de plus et il aurait fallu en faire une partie à pied. J’étais loin de me douter que j’attendais des jumeaux et je suis arrivée juste à temps pour accoucher », précise-t-elle.
Mme Bagami vient régulièrement consulter son médecin et elle emprunte toujours le pont. Son récit ne fait pas figure d’exception. Ses deux petites filles, prénommées Mart et Martine, sont respectivement ses 10e et 11e enfants. Avant la réhabilitation du pont, Mme Bagami aurait dû parcourir à pied un enchevêtrement de troncs d’arbres, de boue et de sable. Un périple si éprouvant que certaines personnes préféraient tout simplement l’éviter, allant ainsi jusqu’à mettre leur santé en jeu.
Selon M. Sanda Nurrudin, chef infirmier à l’hôpital : « En raison des changements climatiques, nous avons observé une augmentation des troubles gastro-intestinaux, et notamment des cas d’amibiase et de giardiase. Nous soignons environ 150 patients par mois, ajoute-t-il. Je dirais qu’un tiers d’entre eux doit traverser le pont pour venir jusqu’ici. »
La commune de Toucountouna a été sélectionnée par LoCAL en raison du fait que, selon les enquêtes menées par le Programme d’action national d’Adaptation aux changements climatiques (PANA), c’est une des régions agro-écologiques les plus vulnérables, et qu’elle présente un potentiel très élevé en termes d’adaptation au changement climatique.
Les fonds attribués dans le cadre du programme LoCAL ont permis de remettre en état le pont de Toucountouna, qui constitue un axe de communication majeur dans une zone où les voies de transport sont très restreintes. Le pont ne sert pas uniquement à relier les différentes régions entre elles. Il facilite également l’adaptation de la population locale au changement climatique, face aux inondations imprévisibles qui peuvent couper les voies de communication et éroder les terres, tout particulièrement dans les zones accidentées du nord du Bénin.
Comme l’explique Mme Sophie De Coninck, responsable du programme LoCAL pour l’Afrique : « Le Bénin est le premier pays africain à avoir été associé au mécanisme LoCAL, fin 2014. Ce programme a d’abord été lancé sous forme de projet pilote dans trois communes de l’Atacora-Donga. Trois autres communes de l’Alibori ont d’ores et déjà été ajoutées à cette liste grâce au cofinancement du gouvernement du Bénin, ce qui ouvre la voie à de nombreuses autres adhésions. Le pont de Toucountouna illustre parfaitement ce en quoi consiste le programme LoCAL : orienter efficacement le financement international de l’adaptation au changement climatique vers les zones les plus éloignées et les populations les plus vulnérables au monde. »