La coopération transfrontalière : un outil pour la consolidation de la paix et de la sécurité au Sahel
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Les zones transfrontalières sont essentielles pour la stabilité de l'Afrique. Ce sont des lieux d’échanges sociaux, culturels et économiques entre différents pays où les populations de part et d’autres des frontières partagent de nombreux liens sociaux et familiaux.
Véritables lignes imaginaires pour les frontaliers, les frontières sont souvent perçues comme des concepts artificiels qui, en réalité, n’empêchent ni les échanges entre les populations, ni les mouvements transfrontaliers. Toutefois, tracées au cours de la période coloniale, sans refléter les réalités de vie ni les cultures locales, elles peuvent aussi s’avérer une source de contentieux et parfois même de conflits ouverts et représenter une entrave sérieuse au développement des populations frontalières.
En effet, la paix et la sécurité sont indispensables au développement. Elles en sont à la fois un préalable important et une composante à part entière. L’absence de sécurité hypothèque le développement et réciproquement la fragilité économique favorise les conflits et l’insécurité. Les situations de conflit entraînent une baisse du revenu des populations et font chuter le taux de croissance des économies nationales.
Comment assurer la paix et la sécurité dans un contexte de regain de la criminalité transfrontalière, de circulation des armes et de situation de post-crise que certains pays ont vécu et ayant engendré des déplacements de population ? Tel est l’enjeu qui se décline en Afrique de l’Ouest actuellement. Le contrôle des frontières et la circulation des armes et des drogues deviennent des enjeux majeurs depuis les récentes crises libyenne et malienne et, avec la montée en puissance du terrorisme islamique dans le Sahara. Ces conflits ont générés des refugiés sur les pays voisins et directement dans les espaces frontaliers. C’est le cas du conflit malien qui a fait des réfugiés dans les communes de la région de Dori et du département de Tilabéry. Impossible à prévoir, la gestion des refugiés implique donc l’urgence d’accroître l’offre des services de base dans les zones frontalières.
Alors, comment aider à la construction d’espaces intégrés, promouvant la culture d’une paix durable dans des zones où il est difficile d'y associer une ethnie et un État, tant les peuples sont imbriqués, liés par des alliances anciennes et renouvelées, localisés de part et d'autre des frontières? Plus que jamais les partenaires internationaux sont attendus sur le terrain de la réponse effective des défis et vécus par les populations ainsi que tous les acteurs de la région.
La coopération transfrontalière est ainsi vite apparue à UNCDF comme l’outil à privilégier. En effet, face à des défis sécuritaires aussi nombreux et complexes, seule une approche solidaire ancrée dans le contexte local peut avoir des chances de succès dans la recherche d'une paix durable. Ainsi, UNCDF a développé une approche globale et solidaire, qui conçoit le développement local comme solution durable aux problèmes de paix et de sécurité et travaille pour mettre en relation : Sécurité, Gouvernance et Développement.
Avec son programme LOBI « Initiatives Transfrontalières de Développement Local », UNCDF et ses partenaires, ont donc fait le pari d’investir dans la gestion intégrée des frontières en se basant sur le développement harmonieux des espaces frontaliers ouest-africains tout en fournissant aux populations qui y vivent des infrastructures et des services de base et en promouvant la coopération transfrontalière comme base pour prévenir les conflits. Tout ceci, dans le souci de trouver des solutions pacifiques aux problèmes qui se posent aux frontières et en vue de préserver les liens historiques entre les peuples.
La zone IIRSahel, dans lequel le programme LOBI intervient, est un espace à prédominance agropastoral. 90% de la population vit de l’élevage bovin, caprin ou ovin, dont une bonne partie de l’élevage transhumant. La piste de transhumance du bétail de 200 km qui verra le jour sous peu dans les communes de Dori, Seytenga, Tera et Sebba est un exemple prouvant qu’il est possible de jumeler développement local et préservation de la paix. « Cette piste permettra d’apaiser les tensions entre les éleveurs et les agriculteurs de la région. En ce moment, les pistes existantes sont mal balisées, ce qui entraine des conflits entre les populations, qui se partagent l’occupation de l’espace et les rares ressources en eau disponibles», explique M. Mahamane Tahirou, de l’Autorité Liptako Gourma, un organisme intergouvernemental œuvrant sur le Mali, le Niger et le Burkina Faso et partenaire de UNCDF, en ajoutant « qu’en étant sécurisée et aménagée de points d’eau, cette piste servira de parcours pour les animaux, qui n’iront plus dans les champs des agriculteurs. Nous sommes carrément dans le domaine de la prévention des conflits et du renforcement des relations d’échange entre les éleveurs et les agriculteurs », conclue-t-il.
« Les communes qui partagent des frontières doivent prendre à bras le corps les problèmes reliés à la sécurité et au développement », estime M. Lassane OUEDRAOGO, Secrétaire exécutif de l’Association des municipalités du Burkina Faso, pour qui le processus de décentralisation doit jouer un rôle central pour les outiller vers un développement qui favorisera la paix et solutionnera les conflits actuels. « Il est de plus en plus nécessaire de développer une vision intégrée ou chacun à sa place si l’on veut escompter une paix durable», conclu-t-il.
Effectivement, la prise en compte de ces questions nécessite une bonne collaboration et une vision intégrée. Le programme LOBI s’appuie donc sur les collectivités territoriales dans cette mobilisation sociale des acteurs locaux. Celles-ci sont interpellées, notamment dans leur rôle de diplomatie locale préventive et de leur capacité à gérer ou à apaiser les conflits locaux par des négociations internes parfois informelles, compte tenu de leur connaissance du milieu local et de leur capacités à mobiliser les forces morales et culturelles tels que les chefs coutumiers, les notables etc.
L'heure est donc à l'intégration des frontières. L’approche d’UNCDF et du programme LOBI en ce sens est donc une approche de développement local pour que les collectivités territoriales frontalières puissent définir, par le biais de mécanismes institutionnels et financiers novateurs, une vision commune de leur territoire, développer des politiques cohérentes et coordonnées en matière de développement et d’aménagement du territoire, de services, d’infrastructures et d’équipements publics transfrontaliers.
L’enjeu est donc de rassembler les populations autours de valeurs communes et partagées pour faire du continent africain un espace d'échanges commerciaux et culturels, où les frontières ne représenteront plus une séparation, mais une zone de partage et de paix.