Innovation au Burkina Faso : YOLSE, le PARI réussi
Tags
Dans le mécanisme YOLSE, les agriculteurs participent à hauteur de 60% de leurs besoins en intrants et Green Hope complète les 40% restants.
Promoteur de la fintech Green Hope, spécialisé dans les technologies agricoles, Aimé Kabore conçoit avec ses associés YOLSE, une plateforme numérique pour les agriculteurs du Burkina Faso.
Mais il apprend sur le terrain qu’il ne suffit pas d’avoir une bonne idée et de proposer un produit utile pour que les producteurs agricoles l’adoptent.
Comment convaincre les producteurs d’aller vers le numérique pour mieux planifier et financer leurs activités ? Comment réussir à intéresser les institutions financières à l’agriculture familiale ?
Sa rencontre avec UNCDF est décisive dans ce double challenge. UNCDF lui facilite l’accès aux acteurs du secteur financier et l’accompagne dans la modélisation et la mise à l’échelle de YOLSE.
Repérer des idées à fort potentiel digital portées par des entrepreneurs confirmés
En 2019, UNCDF organise l’évènement Tech’ Konect à Ouagadougou, pour repérer des idées et des entrepreneurs à fort potentiel, notamment dans le domaine des innovations numériques. Les acteurs de l’écosystème du numérique y sont invités et notamment les promoteurs de solutions numériques en faveur de l’inclusion financière des populations rurales. L’événement se déroule sous la forme d’un concours de pitch et parmi les solutions proposées, celle d'Aimé sort du lot. L'équipe UNCDF voit tout suite qu’avec un accompagnement conséquent, YOLSE peut s’enrichir d’autres outils digitaux pour toucher beaucoup plus de producteurs, et de façon plus performante.
YOLSE signifie en langue moré, faciliter, soulager d’un fardeau. La plateforme permet à tout producteur agricole de se fixer des objectifs de production, d’évaluer ses besoins pour les atteindre et de les réaliser grâce à l’accès à un financement sans garantie, à de la formation et à un accès au marché.
« Notre modèle économique est très social. Sans un accompagnement financier, il nous est difficile d’avoir l’impact que nous visons. L’apport de UNCDF est venu débloquer le moteur pour en libérer tout le potentiel. » explique Aimé
UNCDF met à disposition une expertise pour créer du liant entre toutes les composantes de la solution YOLSE, optimiser tous les coûts superflus et aider la fintech à nouer des partenariats stratégiques. L’expertise permet de diagnostiquer la solution et recadrer les principales orientations.
UNCDF finance ensuite un accompagnement de Green Hope par « la Fabrique », un incubateur d’entrepreneurs sociaux au Burkina Faso. Cet accompagnement permet à Green Hope de travailler sur la rentabilité de YOLSE, en identifiant des sources de revenus négligées ou méconnues. La fintech redéfinit également sa mission et ses valeurs, recentrant ainsi ses activités.
« Avant l’intervention de UNCDF, c’était un exercice très compliqué et finalement, les gens avaient l’impression que ce qu’on faisait, était confus et trop théorique. Maintenant que nous engrangeons les bons résultats, la présentation est claire et attractive et nous arrivons plus facilement à décrocher des partenariats. » raconte Aimé.
UNCDF finance ensuite la participation d’Aimé à une formation internationale sur la finance digitale. Il y apprend l’assurance agricole, la gestion de risques, la gestion des portefeuilles, le design de services financiers numériques pour le monde rural. Cette formation lui permet de renforcer ses connaissances mais également son carnet d’adresses.
En plus de l’expertise et du financement, UNCDF introduit également la fintech auprès des institutions de microfinance et facilite la relation de bout en bout par des ateliers et de nombreuses séances de travail pour le suivi. Green Hope signe ainsi des conventions avec GRAINE SARL, PAN AFRICAN BANK et YIKRI des institutions financières comme, pour déployer sa solution dans certaines localités du pays comme, l’Est, les Hauts-Bassins et le Centre -Sud.
YOLSE, un service d’aide à la production pour soulager les agriculteurs familiaux
Des agents Green Hope munis d’une application mobile (fonctionnant avec ou sans internet), inscrivent les agriculteurs intéressés, et enregistrent leurs besoins en intrants. Un portefeuille numérique est alors créé pour chaque producteur, avec un plan pour payer progressivement le montant nécessaire à son besoin via mobile money. Les données saisies sont transférées sur un serveur Cloud accessible via un lien Web, permettant ainsi aux structures partenaires (IMF, fournisseurs d’intrants, acheteurs) de traiter les requêtes.
Dans chaque groupement de producteurs, quatre nouvelles fonctions sont créées : un superviseur, un opérateur de saisie, un conseiller agricole et un agent de paiement mobile chargé de procéder aux transferts des paiements des producteurs sur la plateforme YOLSE.
Des supports audiovisuels sont utilisés pour sensibiliser les utilisateurs, une manière de contrecarrer le problème de l’illettrisme et d’inclure tout le monde.
Green Hope déploie ainsi YOLSE dans des communes qu’il connaît et où il a déjà un réseau de groupements de producteurs agricoles. Mais très rapidement, une demande spontanée vient d’autres communes et à la fin de l’enrôlement, 16 communes adhèrent à la solution soit plus de 2500 agriculteurs, parmi lesquels 733 femmes et 722 jeunes.
YOLSE prône l’autofinancement des producteurs en leur inculquant la culture de l’épargne. Avant qu’ils n’atteignent une complète autonomie dans le financement de leurs charges de campagne, YOLSE permet aux producteurs qui n’auraient pas réussi à financer entièrement leur besoin, d’activer automatiquement un crédit complémentaire sans garantie accordée par les institutions financières partenaires. Une stratégie qui permet aux producteurs de bénéficier d’intrants de qualité et en quantité suffisante avant la prochaine campagne. L’accès au crédit est une passerelle pour embarquer les agriculteurs dans le numérique et leur donner ainsi l’accès à une gamme de services à même d’améliorer leurs conditions de travail.
Après des débuts difficiles, Aimé Kabore et ses collaborateurs ont fini par réunir, une à une, presque toutes les pièces du puzzle. Ils ont aujourd’hui compris que les problématiques de l’agriculture familiale s’imbriquent comme dans un jeu de poupées russes. Le manque de formation technique, l’épuisement des sols, les risques climatiques, l’accès limité au marché et à l'information…, les obstacles à surmonter pour les petits agriculteurs sont nombreux et il est impossible de n’en lever qu’une partie si on souhaite réellement améliorer leurs conditions de travail.
Le défi de “YOLSE” aujourd’hui est de les relever de façon globale. Ainsi, la solution intègre une micro-assurance sécheresse indicielle fournie par une société d’assurance, pour protéger et indemniser les producteurs en cas de mauvaise pluviométrie. “YOLSE” offre aussi un système d’approvisionnement en intrants de qualité et une formation sur les meilleures pratiques agricoles climato-sensibles pour optimiser les rendements.
Enfin, Green Hope négocie des contrats d’achat avec des industriels et exportateurs, afin de permettre aux producteurs de vendre leur récolte à de meilleurs prix. Et les ambitions sont encore nombreuses. Les promoteurs de Green Hope travaillent à étoffer leurs outils d’aide à la production en se tournant vers l’accès aux informations agro météorologiques, l’accès aux équipements agricoles, le suivi des champs via des drones spécialisés ou encore le marché agricole en ligne.
Pour cette première année, l’insécurité au Burkina Faso, les procédures administratives liées au déblocage du financement, puis la crise de la Covid-19 ont eu une incidence sur le fonctionnement de YOLSE. Mais, à force d’abnégation et avec le soutien de UNCDF, Aimé et ses associés ont pu mobiliser 10,8 millions FCFA d’épargne pour leur première campagne agricole. Dans le mécanisme YOLSE, les agriculteurs participent à hauteur de 60% de leurs besoins en intrants et Green Hope complète les 40% restants. « Finalement on l’a fait ! Nous nous sommes endettés à hauteur de 15 millions pour fournir 70 tonnes d’engrais minéraux, 15 tonnes d’engrais organiques et près de 7 tonnes de semences améliorées à 719 agriculteurs » explique avec satisfaction Aimé. L’entrepreneur et ses associés sont plus que jamais motivés et continuent le déploiement de YOLSE, avec l’objectif d’enrôler 8 000 producteurs d’ici à la fin du projet PARI en 2021.