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Le modèle d’agrégateur d’agents est-il la solution pour les zones rurales ?

  • 24 October 2019

  • Dakar, Sénégal

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Khady Sow, Nioro, Sénégal - © UNCDF 2019

Le déploiement d’un réseau d’agents en zone rurale initié par la fintech Intouch, avec le soutien de UNCDF a pris fin en juin 2019. Avec l’appui technique du cabinet PHB, le projet a permis d’augmenter l’accès aux services financiers dans 10 départements mal desservis du Sénégal.

Malgré les difficultés de mise en œuvre, 373 agents actifs ont été déployés à Mars 2019 , soit 101% de l’objectif du projet. Les agents réalisent en moyenne 9 transactions par jour pour un montant moyen de 43,000 FCFA, au second trimestre 2019. La mobilisation des jeunes a particulièrement été un succès : près de 50% des agents actifs ont moins de 35 ans. Devenir un agent InTouch est une opportunité intéressante pour les jeunes des zones rurales, où le chômage prolifère.

Quel est le profil des agents ruraux au Sénégal ?

Birane, 22 ans vit à Keur Gaye, à 9km de Nioro. Sans formation, sans emploi, il aidait son père dans les champs, une activité saisonnière qui ne lui procurait pas de véritables revenus. Agent InTouch itinérant, il gagne maintenant environ 25 000FCFA par mois. Un revenu qui lui a permis au bout de 13 mois d’acheter un lopin de terre.
Au-delà de l’aspect financier, les agents tirent d’autres avantages de leur activité, notamment avec le statut acquis au sein de la communauté. Être agent c’est avant tout aider et soutenir leurs communautés en facilitant l’accès aux SFN.

Mame Ngor est le premier agent à distribuer les services financiers numériques dans son village de Gagué Shérif. L’activité génère un flux supplémentaire de clients pour sa boutique :

« Mon commerce marche encore plus depuis que j’ai rajouté cette activité. Avec la forte affluence, parfois je ferme à 22 heures. Et même après, les gens m’appellent pour faire des retraits ou dépôts urgents. »

Pour Khady, l’activité n’est pas aussi rentable que pour Mame Ngor. Elle ne tient pas de commerce et la distribution de SFN est sa seule activité. Cependant, même si ses commissions ne sont pas élevées, elle apprécie le fait d’avoir une activité qu’elle peut combiner avec la gestion de son ménage :

« Je suis un agent itinérant, donc mon activité je le fais depuis la maison. Je prépare les repas et m’occupe des tâches ménagères en même temps que je sers les clients ».

Le recrutement des femmes a été problématique dans ce projet. L’objectif de 30% d’agents femmes n’a pas été atteint. En zone rurale, il existe des barrières traditionnelles, comme l’approbation du mari qui a pouvoir de décision. Par conséquent seules 27 femmes ont été recrutées, soit 10% du nombre d’agents. D’autre part, l’accès au capital, qui est un défi pour tous les agents ruraux, l’est plus pour les agents femmes à cause de cette dépendance aux maris ou à la famille.

Le projet avec InTouch a permis de réelles avancées dans les villages. La sensibilisation aux services financiers numériques a nettement augmenté, et leur utilisation est plus systématique. Par ailleurs, les SFN ont amélioré la vie des villageois: moins de déplacements, moins de frais à payer, plus de discrétion avec l’argent sur son téléphone.

Comment rendre viable le modèle d’agrégateur ?
En termes de partenariat, InTouch a réussi le pari d’intégrer beaucoup de services sur sa plateforme qui comprend aujourd’hui la grande majorité des services de mobile money et de transfert d’argent disponibles au Sénégal.
Cette diversification de l’offre augmente la clientèle des agents et rend l’offre attractive. Toutefois, le modèle ne procure pas encore des revenus conséquents aux agents dont c’est l’activité principale. Un ensemble de défis restent à relever pour rendre le modèle viable à long terme. En plus des challenges déjà identifiés durant la mise en œuvre, il faut augmenter la visibilité des points, problème majeur soulevé par les agents.


Et pour la suite ?
Le commerce gagne en importance dans les villages ; l’agriculture n’offrant que des revenus saisonniers et pas toujours suffisants. Beaucoup de commerçants s’approvisionnent dans les marchés hebdomadaires des grandes villes comme Kaolack, Dakar ou encore Touba. Les agents InTouch peuvent servir de liens entre fournisseurs, commerçants et clients, en facilitant les paiements marchands. Ceci est aussi valable pour le secteur agricole où les transactions se font exclusivement en cash.
La pratique des « caisses » ou tontine est largement utilisée comme moyen d’épargne dans les villages : chacun cotise dans une cagnotte commune pour d’un achat pour la famille ou la communauté. Étant donné la densification du réseau d’agents dans les villages, les habitants utilisent maintenant leurs comptes mobile money pour garder de l’argent. Le développement de solutions d’épargne digitale permettrait d’augmenter les transactions chez les agents. Et cette fréquence de transactions faciliterait la construction d’un historique financier du client, pouvant être utilisé pour l’octroi de services financiers connexes.
Les résultats de ce pilote, montrent l’impact du modèle d’agrégateur d’agents dans l’accès aux SFN en zone rurale sénégalaise. En capitalisant sur les leçons pour améliorer les failles relevées et diversifier l’offre de services on pourrait augmenter l’inclusion financière dans ces zones.