Les autorités locales institutionnalisent l'adaptation communautaire au Bénin avec LoCAL
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Les murs à l'intérieur du bureau de Tchenti Koutré sont couleur rose vif, alors qu'il travaille sous l’ombre des volets fermés pour se protéger de la chaleur accablante du soleil. En tant que chef d'arrondissement de Tampégré, au Bénin, M. Koutre est responsable de l'ordre public et de la mise en œuvre des décisions du maire et du conseil local. C'est un rôle qui le place au cœur des affaires communautaires, des soucis et des préoccupations quotidiennes. Les impacts du changement climatique sont etroitements liés à tous les problèmes de la communauté.
Les petits agriculteurs gagnent à peine leur vie sur des terres de plus en plus infertiles alors qu'ils sont aux prises avec des saisons des pluies plus courtes et des difficultés accrues d'accès à l'eau. La production baisse, tout comme les revenus. Bien que les problèmes soient variés et nombreux, ils sont liés, ou exacerbés, par l'évolution des conditions météorologiques, a expliqué M. Koutre. À chaque rencontre qu'il a eue avec les membres de la communauté au cours de ses plus de deux ans de mandat, il fait le lien avec les problèmes auxquels la communauté est confrontée et la réalité des changements climatiques.
"On comprend que le changement climatique est une réalité et qu'il faut vraiment s'adapter", a déclaré M. Koutré, s'exprimant à l'ombre d'un arbre devant son bureau. « À chaque réunion, lorsque nous avons l'occasion de parler [à la communauté], nous disons : Hé, n'oublie pas. Cette situation? C'est le changement climatique. Et c'est une réalité qu'il faut prendre en compte quand on envisage de semer [vos cultures]. '"
Les agents des autorités locales comme M. Koutre sont les représentants du gouvernement les plus proches des communautés et ont pour mandat de répondre aux problèmes locaux, aux préoccupations et aux projets de développement à petite échelle. Cela en fait un allié potentiellement puissant lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre l'adaptation aux impacts du changement climatique, qui sont spécifiquement ressentis au niveau local. Le Mécanisme de financement de l’adaptation au niveau local (LoCAL), conçu par le UNCDF il y a plus de dix ans, canalise les finances vers les gouvernements locaux pour une adaptation aux impacts du changement climatique qui est dirigée localement. Le financement est distribué sous forme de subventions, et non de prêts, et s'accompagne d'un renforcement des capacités et de conseils sous forme d'assistance technique, pour renforcer la compréhension du changement climatique et garantir que les investissements sont durables.
L'arrondissement de Tampégré de la commune de Toucountouna est composé de six villages avec une population agraire totale d'un peu plus de 10 000 personnes - dont plus de la moitié sont agés de moins de 15 ans. Les revenus des ménages sont limités et dépendent de l'agriculture. Cette activité est pratiquée principalement par des femmes utilisant des houes à main pour cultiver de petites parcelles de terres pluviales. Avec le soutien de LoCAL, autant les agents du gouvernement local que leur communauté se sensibilisent ainsi au changement climatique et ont bénéficé d’une subvention de LoCAL pour construire une source d'eau plus résistante au changement climatique.
"Nous étions préoccupés ici par le fait que la période sèche est longue et que les pluies arrivent tard", a déclaré Boni Louis Sagui, responsable de l'eau, de l'hygiène et de l'assainissement à la mairie de Toucountouna, expliquant que la solution n'était pas seulement une question de creuser un forage. « L'eau était vraiment descendue à un niveau bas… Nous avons dû trouver une machine spéciale pour atteindre l'eau. Nous avons foré trois, quatre, cinq fois et ce n'est qu'à la sixième tentative que nous avons atteint l'eau. »
Le puits très profond se trouve sur le site d’un puits artisanal creusé à la main par la communauté, qui s'est asséché il y a de nombreuses années. Les femmes et les jeunes filles doivent utiliser tout leur poids corporel pour sauter et appuyer sur une pompe à pied qui force l'eau des réservoirs à plus de 70 mètres de profondeur. L'eau fraîche, propre et potable est collectée dans de grands récipients en aluminium pour être transportée à la maison par leurs familles sur la tête.
"Avant le forage et la pompe, nous, les femmes, passions chaque jour beaucoup de temps à chercher de l'eau", dans les ruisseaux et les étangs, explique Nahini Sokotohou, qui se dit avoir 42 ans, mais semble beaucoup plus âgée, et a cinq enfants. entre 16 et 22 ans. « Avant, nous tombions tout le temps malades, les enfants étaient malades, nous avions la diarrhée, nous allions toujours à l'hôpital. Mais cela arrive beaucoup moins maintenant. »
L'identification, la localisation et la budgétisation des investissements liés au changement climatique ne seraient pas possibles sans l'implication des autorités gouvernementales locales, selon Déré Nah Chabi, Préfète du Département de l'Atacora, dans le nord-ouest du Bénin, qui comprend la commune de Toucountouna.
« C'est nous, les communes, qui avons commencé à prendre conscience de la situation [climatique] : la preuve, les budgets que nous soumettons. [Les autorités locales] prennent conscience de ce problème et essaient de planifier », a déclaré Mme Chabi, vêtue d'une tenue de cérémonie après passé une matinée à assister à un événement de sensibilisation sur la poliomyélite. « Mais […] la question de la mobilisation des ressources se pose toujours surtout au niveau de la commune […]. La commune seule ne peut pas [s'adapter] nous avons besoin de LoCAL pour aider la commune à atteindre ses objectifs », a ajouté Mme Chabi.
Le système de Subventions pour la Résilience Climatique Basées sur la Performance (SRCBP) de LoCAL est en train de s’inscrire dans l'approche béninoise pour l'adaptation. Avant d'attribuer les SRCBP, des experts techniques et le gouvernement national identifient les régions et les communautés les plus vulnérables au changement climatique, puis guident les gouvernements locaux dans l'élaboration d'un menu d'investissements éligibles pour une adaptation climatique efficace et durable. Le département de l'Atacora, au nord-ouest du Bénin, est l'une des régions les plus pauvres du pays selon les chiffres de l'ONU avec 60,5% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté. La zone jouxte le Togo à l'ouest et au nord se trouve le Burkina Faso, où l'insécurité djihadiste est en hausse et s'est récemment étendue au parc national de la Pendjari, qui chevauche la frontière entre les deux pays. Les étrangers sont avertis de ne pas se rendre dans la région, ce qui réduit les maigres revenus du tourisme.
La mise en œuvre de LoCAL s'accompagne également d'un soutien technique et d'un renforcement des capacités. Les collectivités locales bénéficient du soutien du centre de formation de l'administration locale, CEFAL, dont le personnel est formé à la mise en œuvre de LoCAL. En juin 2022, l'équipe LoCAL-Bénin a organisé une session de formation de formateurs de trois jours dans la ville du centre-sud de Bohicon, à environ 125 km au nord de la capitale Cotonou. En présence de 12 formateurs CEFAL, l'objectif de l'atelier était de créer un corps de formateurs capables de fournir des instructions et un soutien dans la mise en œuvre de LoCAL aux autorités gouvernementales locales.
Les participants au CeFAL ont appris comment aider les autorités gouvernementales locales à comprendre l'adaptation au changement climatique et son intégration dans les processus de planification locale, les principes fondamentaux du mécanisme LoCAL et ses outils pour réaliser des actions d'adaptation au niveau de l'administration locale. La formation s'est appuyée sur la coopération précédente entre LoCAL et CeFAL, qui impliquait le développement d'un module de formation pour mieux comprendre les risques et les impacts du changement climatique afin d'éclairer les plans de développement au niveau du gouvernement local. Mais comme de nombreux postes dans les collectivités locales sont attribués par le biais d'élections tous les six ans, les cours doivent être régulièrement renouvelés, ce qui nécessite un financement régulier et fiable.
"Nous avons constaté que la majorité des maires que nous avions formés n'étaient pas réélus", a déclaré Christian Raoul Kouthon, directeur général du CEFAL, expliquant que l'investissement doit être appliqué de manière cohérente et disponible de manière fiable si la capacité doit être intégrée dans un système où les équipes peuvent être renversées après une élection. "Sur les 17 maires que nous avions formés", a déclaré M. Kouthon, évoquant une récente formation dispensée dans son établissement, "seuls sept [maires] ont été réintégrés dans leurs fonctions".
Le gouvernement et l'UNCDF se sont engagés à développer et à étendre les activités au Bénin et à ancrer davantage l'approche SRCBP dans les systèmes nationaux, car les résultats au niveau local ont été solides.
« La Direction Générale de l'Environnement et du Climat (DGEC)est responsable de l'enjeu de la régulation, de la politique et de la stratégie en matière d'environnement et de gestion du changement climatique et opérationnalise ces différents aspects, qui sont pour la plupart mieux délivrés avec l'appui et le travail de LoCAL », a déclaré Martin Pépin Aïna, Directeur Général de l'Environnement et du Climat du DGEC au Bénin. « [LoCAL] a eu beaucoup de succès au niveau des acteurs locaux. Donc, nous devons continuer, à renforcer ce mécanisme et à l'étendre et à permettre aux gens de pouvoir s'adapter au changement climatique. »
En 2021, le Bénin est passé à la phase II de LoCAL, consolidant les actions LoCAL dans neuf communes et bénéficiant à plus de 860 000 personnes avec le soutien de la Banque Africaine de Développement et les ressources propres du gouvernement du Fonds national pour l'environnement et le climat (FNEC). Avec le soutien de LoCAL, le FNEC a reçu l'accréditation du Fonds vert pour le climat en 2019, en même temps qu'il a été ré-accrédité au Fonds d'adaptation. Une proposition a été soumise au GCF pour le financement de l'expansion de LoCAL à 25 autres communes d'ici cinq ans.
"Toutes les initiatives dans le domaine des changements climatiques sont plus visibles au niveau local - au niveau du gouvernement local", a déclaré Appolinaire Gnanvi, directeur général du FNEC. "Et c'est pourquoi le Bénin a choisi cette approche [LoCAL] et met en œuvre cette approche avec l'équipe des Nations Unies." Ajoutant « avec notre demande d'accréditation au Fonds vert pour le climat, LoCAL a vraiment été notre cheval de bataille ».
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LoCAL: a global mechanism and ISO registered standard
Financing locally led adaptation
The LoCAL facility provides technical assistance and tools for the LDCs to access global climate funds. LoCAL is recognised as a global ISO standard and mechanism for financing local adaptation to climate change using the Performance-based climate resilience grants tools designed and tested by UNCDF.