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Vers une Meilleure Protection des Consommateurs au Niger 

Blog #1 : Les Défis

  • 08 January 2024

  • Niamey, Niger

Ce blog s’inscrit dans une série en deux volets qui abordent dans un premier temps les défis et dans un second temps les perspectives pour une meilleure protection des consommateurs de services financiers numériques. Ces deux blogs résument le travail de concertation mené par l’équipe UNCDF au Niger avec tous les acteurs de l’écosystème de ces services.

Une violation courante des droits des consommateurs : l’arrêt de la fourniture d’électricité

Au Niger comme dans nombre de pays africains, la monnaie électronique ou « mobile money » facilite le paiement des factures, d’électricité notamment. Néanmoins, les coupures fréquentes d’électricité, pour factures prétendument impayées, continuent de susciter de vives plaintes. A plusieurs reprises, après avoir réglé leurs factures d’électricité via le mobile money, des consommateurs nigériens ont constaté que ces dernières conservaient la mention impayée. En quête d’explications auprès des fournisseurs des services concernés, la plupart de ces usagers n’ont pas obtenu de réponse, suscitant de la frustration et un sentiment d’impuissance. En l’espèce, ces consommateurs n’ont pas été informés et in fine leurs droits n’ont pas été respectés. L’absence de plate-forme ou de moyen de recours n'a fait qu’entamer la confiance entre usagers de services de mobile money et le fournisseur d’électricité. Ce cas est l’un des plus récurrents parmi de nombreux autres délits, occasionnant la violation flagrante des droits des consommateurs au sein de l’écosystème financier nigérien.

Il n’existe aujourd’hui pratiquement aucune voie de recours légal, ni de dispositif formel efficient permettant aux consommateurs nigériens de faire valoir leurs droits en cas de pratiques commerciales frauduleuses. Bien que le Niger dispose d’un ensemble de textes relatifs à la protection des consommateurs, leur application est peu effective.

Les études de population montrent l’existence d’une proportion importante de consommateurs peu informés de leurs droits. Frange vulnérable, la population rurale, qui constitue 80 pour cent de la population totale, éprouve le plus de difficultés à faire valoir ses droits.

Ainsi, instaurer un mécanisme formel en faveur des droits et des devoirs des consommateurs de services financiers numériques permettra de répondre aux attentes des Nigériens et garantira le traitement de leurs plaintes.

Cadre réglementaire de la protection des consommateurs au Niger

Des textes relatifs aux droits et à la protection des consommateurs au Niger existent, mais ils nécessitent d’être mis à jour car n'incorporant pas le volet financier numérique. Niamey a adopté les textes de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) sur l’interopérabilité et la protection des consommateurs. Sa Stratégie Nationale de la Finance Inclusive (SNFI), en vigueur depuis 2019, prévoit de contextualiser et de transposer dans le droit national les pratiques et les règles de l’UEMOA. Cette approche facilitera l’appropriation des textes de l’Union par les services financiers et les consommateurs du Niger.

L’UEMOA travaille à rendre effective l’application de ses règlementations chez tous ses États membres. C’est pourquoi, en juin 2022, l’institution a adopté une directive qui vise à promouvoir un système financier juste et équitable pour tous : offrir aux citoyens de ses huit pays liés par l’usage d’une monnaie commune, le franc CFA, la possibilité d’opérer des choix de produits et services de bonne qualité à des conditions optimales de transparence et d’équité commerciale, sans imposer aux entreprises des contraintes plus que nécessaires.

A l’instar du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, le Niger progresse pour rendre opérationnel son Observatoire de la Qualité des Services Financiers (OQSF-NE), chargé de superviser les institutions financières du pays et de veiller au respect des lois sur la protection des consommateurs. La volonté d’inclure les droits des consommateurs dans le droit national nigérien est portée à la fois par l’OQSF- NE et par le secrétariat exécutif de la SNFI (SE-SNFI).

Pour accompagner l’évolution du cadre réglementaire nigérien, UNCDF a organisé avec le SE-SNFI et l’OQSF-NE le premier atelier sur la protection des consommateurs en mars 2023. Objectifs : identifier les principaux risques auxquels sont confrontés les consommateurs, les défis liés à l’application de la réglementation en matière de protection des consommateurs, ainsi que les mesures à prendre pour améliorer leur protection des consommateurs de services financiers au Niger.

Quels risques encourent les consommateurs au Niger ?

Au cours de cet atelier sur la protection des consommateurs, trois groupes de travaux sectoriels ont été mis en place pour analyser la problématique, sur la base des expériences rapportées par l’association des consommateurs et par les acteurs financiers nigériens, numériques en particulier. Il s’agit du groupe des banques commerciales, fintechs, de la Poste et des opérateurs de téléphonie mobile ; du groupe des assurances et association de consommateurs ; et du groupe des Observatoires pour la Qualité des Services Financiers du Sénégal, du Niger et de la Côte d’Ivoire.

Les discussions ont permis d’identifier plus de trente risques auxquels sont confrontés les consommateurs au Niger, dont les plus courants sont :

  • La violation des droits des consommateurs : la réticence des institutions financières à appliquer les textes en faveur des consommateurs empêchent ces derniers de bénéficier de leurs droits ;
  • La méconnaissance ou la négligence de la règlementation en vigueur, ainsi que le taux élevé d’analphabétisme dans le pays : 70 pour cent des consommateurs masculins et 30 pour cent des consommatrices ne comprennent pas la législation en matière de protection des consommateurs et ne peuvent donc faire de choix avisés,
  • Le risque de fraude et de perte de patrimoine : les expériences malheureuses au contact du secteur de la microfinance accentuent la réticence des consommateurs à adopter les services financiers, en général. Cette réticence les éloigne de l’épargne via ces institutions et les prive de revenus, et intérêts additionnels éventuels.
  • Le manque d’éducation numérique amène les populations non informées sur les risques financiers à acheter en ligne des produits potentiellement frauduleux. Victimes de la cybercriminalité et d’arnaques lors de leurs transactions, elles se détournent des services financiers numériques et risquent ainsi d’être exposées à la finance informelle, pratiquant des taux d’intérêts abusifs, voire au surendettement.
  • Au prétexte de la religion qui ne donne pas le droit aux femmes de prendre des décisions financières pour leur couple et les empêche de fait d’être bancarisées, les Nigériennes passent par Internet pour effectuer des transactions, sans être alertées sur les risques. Après s’être faites arnaquées, nombreuses vivent des cas de divorce et d’injustice sociale, payant ainsi le fort prix de leur mésinformation.

Pour lire le 2eme volet de ce blog suivre ce lien.